Les échanges suscités par notre dernier billet le laissent deviner : Moms et Ahmed sont différents. Ils excellent tous les deux sur le terrain mais pas dans le même style. Dizuit a très bien décrit à quel point Moms est efficace, je voudrais dire comment Ahmed atteint des sommets dans l’élégance.

Même Moms en convient, sur le terrain Ahmed porte sa tenue avec la plus grande distinction. Nous avons tous le même maillot, mais nous n’avons pas la même allure. Certains sont boudinés dans un moulant trop étroit, d’autres flottent dans une taille de trop, sur Ahmed notre glorieux maillot tombe comme une tunique en soie sur un mannequin de chez Kenzo. Il est vrai qu’il l’agrémente d’un short noir des Red Devils du plus bel effet, et de chaussettes qui mettent en valeur ses mollets galbés.

Ahmed affiche la même élégance dans le civil, et on aurait du mal à deviner le sportif sous les atours de la figure de mode qui déambule nonchalamment sur la place, avec sa casquette sur le côté et sa barbe de trois jours. Mais quand dans les vestiaires il commence à se dévêtir, c’est bien le corps d’un athlète qui apparaît, avec une musculature fine et puissante. Je ne voudrais pas faire passer ce billet pour ce qu’il n’est pas, mais même les plus farouchement hétérosexuels d’entre nous sont obligés de reconnaître qu’à chaque étape de ses changements de tenue, c’est la classe qu’exprime ce corps, mis en valeur par les pièces de vêtement qui l’ornementent. Quand d’autres se changent, troquant sans finesse leurs vêtements de ville pour une tenue de sport, Ahmed nous propose un défilé de mode évolutif. Totalement habillé ou en chaussettes, en passant par toutes les étapes intermédiaires, on croirait voir une création de Karl Lagerfeld. Et on passe encore dans une autre dimension à la fin du match lorsqu’il applique sur son corps musclé les onguents qui lui permettent de conserver son allure d’Apollon, et c’est alors une statue grecque aux reflets déliés qui s’offre à nos regards, au milieu de coéquipiers à la dégaine parfois moins délicate, reconnaissons-le.

Mais l’élégance ne s’arrête pas à l’apparence, et c’est en vrai gentleman qu’Ahmed mêle dans son comportement classe et courtoisie. Autant de qualités qui rejaillissent sur l’ensemble de l’équipe. Et puisqu’il nous faut tout de même revenir à la réalité du match de lundi, nous ne pouvons que souligner la grande retenue et l'immense fair-play dont a fait preuve toute l’équipe face aux décisions, parfois défavorables, de notre arbitre lundi dernier. Ainsi en première mi-temps quand sur un contre mené par Damien, le goal adverse n’a pu qu’interposer sa main en dehors de sa surface. Dernier défenseur annihilant une action de but, il était indiscutablement passible d’un carton rouge. L’arbitre (leur coach qui avait accepté d’assumer ce rôle en l’absence d’arbitre officiel) a reconnu la faute en sifflant un coup franc, mais il ne l’a pas accompagné de la sanction administrative qui s’imposait.

Imitant tous le comportement exemplaire de notre modèle esthètique, nous n’avons pas réagi à cette injustice. Je ne voudrais pas ici blâmer l’arbitre : je le dis sincèrement, il a fait de son mieux pour que la partie se déroule convenablement, et la décision de l’expulsion était difficile à prendre (même si on peut reconnaître qu’une expulsion temporaire aurait bien fait l’affaire). Je ne blâme pas l’arbitre, mais je souligne tout de même l'infinie courtoisie dont nous avons tous fait preuve en ne contestant pas sa décision. Même élégance de notre part en seconde période sur leur deuxième but, pourtant entaché d’un hors-jeu relativement net. En de telles circonstances d’autres auraient réagi et auraient interpellé l’arbitre avec plus ou moins de tact. Nous n’avons pas suivi cette voie et avons affiché la plus parfaite correction, accordant à l’arbitre aussi le droit de se tromper.

En définitive nous avons perdu par 2 à 0 ce match contre une équipe en tête de notre championnat, après lui avoir opposé une résistance des plus méritoires. Certes, avec quelques décisions arbitrales différentes nous n’aurions pas été loin d’un résultat plus favorable, mais nous serons élégants jusqu’au bout en reconnaissant que nos adversaires n’ont pas usurpé leur victoire.

Bon anniversaire, Ahmed.