Nous voici donc lundi soir, encore émus par les mots de Kader, livrés à nous même dans la pampa de Carrières sur Seine.

Nous ne laissons pas le désarroi prendre le dessus, et bien vite se met en place une organisation que certains appelaient de leurs vœux depuis plusieurs semaines. Notre capitaine chinois répartit l’équipe sur les différentes lignes, à charge pour chaque ligne d’autogérer les remplacements. Nous avons ainsi 4 latéraux pour 2 postes, 3 attaquants pour 2 postes, etc. Chacun joue ainsi à peu près au même poste pendant tout le match, les roulements sont plus faciles à effectuer, et notre organisation s’en trouvera nettement stabilisée tout au long du match.

A cela s’ajoute une détermination de tous les instants, un engagement et une efficacité retrouvés, pour une victoire finale de 1 but à 0.

Score étriqué, qui dit bien l’âpreté du combat jusqu’à la dernière minute. Mohamed est l’auteur de notre but, à la 80e minute, vers la fin d’une deuxième mi-temps au cours de laquelle nous avons pourtant été malmenés. Nous avions plutôt dominé les débats au cours de la première période, malheureusement sans concrétiser nos quelques occasions. Mais dès la reprise ils prenaient le dessus, jusqu’à semer la perturbation dans notre défense, qui perdait de sa sérénité. Heureusement nos latéraux contraient leurs débordements, notre charnière centrale enchaînait les dégagements de bûcheron, et c’est toute l’équipe qui s’employa pour préserver notre cage inviolée. Un seul mot sur nos adversaires pour souligner leur très bon état d’esprit.

Cette victoire est notre première de la saison (mais contrairement à ce qu’a pu affirmer un statisticien mal renseigné, nous avions tout de même gagné deux matchs officiels en 2010, en fin de saison dernière). Inutile de dire la joie qui envahit notre vestiaire, nos cris de triomphe résonnent encore sur la route de Bezon. Résonnent encore aussi les querelles entre Karim et Moussa, ainsi que les injonctions de ceux qui auront tenté, en vain, de les faire taire. Car le Panthéon reste le Panthéon.

Notre joie se doublait de la fierté d’avoir compris le message envoyé par Kader Eastwood, jusqu’à remporter cette victoire dont il nous avait montré le chemin. Et ce n’est pas sans émotion que j’imagine comment il a pu apprendre cette nouvelle, en lisant ces lignes même, depuis cette Colombie dont l’éloignement lui donne l’illusion de ne plus avoir d’emprise sur l’équipe. Je le vois bien, avec sa barbe de 3 jours, pénétrer dans cette taverne enfumée de Bogota, vêtu d’un poncho en laine de lama et flanqué de ses deux porte-flingue, Anis et Hicham. A leur entrée le silence s’est fait. Les joueurs ont posé leurs cartes, les dealers remballé leurs billets et les filles leurs atours. On n’entend plus que le grincement des pales du ventilateur qui brasse un air lourd et moite.

Ils s’accoudent au bar et commandent trois cafés.
Bien serrés.

Puis ils avisent un ordinateur mis à la disposition de la clientèle. Un simple regard leur suffit à faire déguerpir le colosse qui l’occupait. Ils s’approchent, pianotent quelques codes, et comme par miracle s’affiche cette page qui leur annonce ce résultat inouï. Le temps suspend son vol, le silence devient plus pesant, les clients ne comprennent pas. Puis les yeux de Kader s’embuent, une larme coule sur la joue d’Hicham et Anis doit s’asseoir. Kader se retourne vers la salle, toise de son regard sombre les clients pétrifiés, et annonce d’une voix d’où il a réussi à évacuer toute trace d’émotion : « Tournée générale !! ». La tension cède la place à des manifestations de joie et le barman soulagé prépare des dizaines de tasse de ce délicieux café de Colombie dont nos amis sont venus jusqu’ici apprécier la saveur.

C’est dans ces moments là que l’on est fier d'appartenir au Panthéon FC.