C’est dans son appartement de la rue des St Pères, dimanche 20 juin, qu’il nous reçoit. Il est assis à son bureau devant une large bibliothèque. Il porte son habituelle chemise blanche ouverte et semble encore plus préoccupé et grave qu’à l’accoutumée.

Panthéonfc.fr :
Alain Finkielkraut a parlé au sujet de l’équipe de France « d’une bande de voyous avec une morale de mafia ». Alain Badiou a écrit et publié un livre samedi 19 juin « De quoi Anelka est-il le nom ? », dans lequel il annonce que l’affaire Anelka est le signal de la révolution communiste qui vient, qui amènera le bonheur et la félicité. Où vous situez-vous par rapport à ces positions ?

BHL :
Je n’ai pas l’habitude, jamais, de me laisser dicter mes prises de position, pas plus lorsque j’offrais mon torse aux snipers de Sarajevo, que lorsque je bravais la faim et la soif au Darfour : je ne peux pas ne pas supposer qu’il existe quelque part, dans ma tête, dans un livre, pour le cas où, la genèse de la pensée qu’il faut trouver, parce qu’il le faut, parce que c’est nécessaire à un moment donné, parce qu’Anelka est aujourd’hui attaqué, lynché, à terre, parce que les procureurs anonymes le frappent sans l’entendre, parce que c'est un devoir, comme aux temps douloureux, de se lever et de le défendre.

Panthéonfc.fr :
Merci d’utiliser des phrases plus courtes pour nos lecteurs. En clair, vous soutenez donc Anelka ?

BHL :
Oui. Anelka s’inscrit dans une tradition historique française très lointaine, que certains ne veulent pas voir, une tradition qui passe par les plus grands de notre histoire : Napoléon, pour qui Taleyran était de la merde dans un bas de soie, Cantona, pour qui Henri Michel était un sac à merde. Anelka n’est que l’héritier de cette histoire riche, cette histoire qui fait de nous une nation : les chiens qui s’abattent sur lui font surtout preuve de haine et d’ignorance, ils le condamnent sans procès équitable, ils le piétinent en meute. Ironie suprême : ce sont les mêmes qui depuis des années ont traité Domenech plus bas que terre, qui reprochent maintenant à Anelka de dire la même chose qu’eux !

Panthéonfc.fr :
OK, mais reconnaissez que comme joueur, Anelka a été nul ?

BHL :
Certes Anelka a été nullissime, et même pire, pendant la préparation et contre l’Uruguay et le Mexique, mais également à Chelsea depuis six mois, en gros depuis le retour de Drogba de la Coupe d’Afrique des Nations, il ne marque plus, ralentit le jeu.
Et puis, il faut le dire, le vrai scandale, car scandale il y a, ce ne sont pas les insultes à la mi-temps de France-Mexique, c’est qu’il ait fallu ces insultes pour décider Domenech à sortir Anelka, son premier et dernier acte de coaching à la tête des bleus depuis 2004. Mais Anelka, qui est une victime, n’a rien à se reprocher : nul et mal positionné contre le Mexique, il a produit exactement le même match que les cinq précédents. Or à chaque fois Domenech l’a reconduit. Il n’avait donc pas de raison de jouer différemment.

Panthéonfc.fr :
L’image donnée par la France n'est pas exceptionnelle : résultats catastrophiques, affaire Anelka, altercation Duverne-Evra, grève de l’entraînement, démission de cadres de la Fédération, faible nombre de taxis à Paris. Que faut-il en penser ?

BHL :
J'ai été le premier en 2006 à prédire le destin de Barak Obama, il était alors inconnu en Europe, je l’avais rencontré et lui avais donné la force et la motivation, car je voyais en lui l’avenir, une Amérique réconciliée. Parce que j’ai été cet homme, je peux vous dire que j’ai la même intuition à propos de Laurent Blanc. Laurent Blanc va construire, parce que je le sens, parce qu’il le peut, parce que c’est nécessaire, une équipe merveilleuse, avec une nouvelle génération de joueurs, Armand, Makelele, Sakho, Luyindula, Hoarau, Landreau, qui sera championne d’Europe en 2012, et championne du monde 2014.

Note de Panthéonfc.fr :

A la fin de l’entretien, BHL a enlevé sa chemise blanche pour enfiler un maillot bleu numéro 39 frappé du coq, il a embrassé l’étoile sur le maillot, et a crié avec fougue : « Allez les bleus » !