Staline demande pourquoi , on lui dit que la locomotive est en panne et que le mécanicien n’arrive pas à la réparer. Il ordonne qu’on fusille le mécanicien. On fusille le mécanicien mais le train ne repart pas. Kroutchev ordonne alors qu’on réhabilite le mécanicien. On réhabilite le mécanicien, mais le train ne redémarre toujours pas. Alors Brejnev tire les rideaux, et dit « Tout va bien, on est repartis ».

Après la catastrophe de l’Euro 2008, Domenech a été fusillé médiatiquement pendant les quelques semaines où tous les journalistes pensaient qu’il allait être viré. Puis il a été réhabilité par Escalette et ses acolytes. Et depuis il ne cesse de nous dire que tout va bien. Encore hier soir, après un match nul nul, il nous dit qu’il s’est passé des choses pendant ce match. Variante de son habituel « j’ai vu des choses intéressantes » que lui-même devait commencer à trouver un peu répétitif. Et d’ajouter qu’il est satisfait de ce que l’équipe a montré au niveau collectif (la prochaine fois ce sera au niveau de l’envie ou sur le plan du jeu). Bref, tout va bien.

Pour revenir à cette blague, notons que ceux qui ont pris la décision de conserver Domenech à son poste ont les mêmes motivations que les dirigeants soviétiques : garder leur place le plus longtemps possible, sans aucune considération pour les résultats de leur politique, puisque ces résultats n’ont aucune influence sur leur longévité. Et il faut bien réaliser que c’est aussi le cas de Domenech depuis ce funeste miracle contre la Roumanie en octobre 2008 (ce retour de 2-0 à 2-2 qui lui garantissait sa place jusqu’à la Coupe du Monde).

Il avait une motivation certaine pour nous qualifier, mais maintenant qu’on y est, se faire éliminer au niveau des poules avec trois matchs nuls, ou aller plus loin pour se faire éclater par l’Argentine ou le Nigeria, ce n’est pas très différent pour lui. Il s’en fout, il sait bien qu’il ne la gagnera pas, et il restera pour toujours celui qui a mené l’Equipe de France en finale en 2006, ça lui suffit.

Il n’y a donc aucune raison de penser que la recherche d’un bon résultat soit son premier objectif. D’ailleurs, même s’il essayait il ne serait pas certain d’y arriver. Tandis qu’il est certain de pouvoir bien se marrer à continuer à jouer au chat et à la souris avec les journaliste qui persistent bêtement à lui tendre le micro et à ambitionner de converser avec lui.

Et il a très envie de profiter pour encore quelque semaines du pouvoir qui est le sien de décider de qui joue ou pas sans avoir besoin de se justifier. Ainsi par exemple, ça le fait sûrement bien rigoler de laisser Malouda sur le banc parce que ce dernier lui a mal parlé (ou lui a piqué la dernière part de gâteau la veille) alors que c’est l'un de nos meilleurs joueurs. Quand je dis que c’est l'un nos meilleurs joueurs je ne parle pas en l’air : outre que Benlosam le mettait dans sa liste des 4, la tête d’Aimé Jacquet apprenant en direct sur Canal + que Malouda ne jouerait pas en dit long sur le fond de sa pensée. Et je prends volontairement comme référence l’un des spécialistes les plus obligeants vis à vis de Domenech.

Plus généralement, voir et entendre tous les commentateurs s’interroger sur les raisons de son choix sans rien y comprendre, Domenech adore ça. Il semble considérer qu’être imprévisible est une qualité, et ça le branche énormément. Il n’a pas hésité pour cela à mentir effrontément à la France entière et à plusieurs reprises autour de l'annonce de la liste des 23. On lui a appris quand il jouait au foot que prendre les autres à contrepied c’était le secret de la réussite, il avait un peu de mal avec un ballon, maintenant il peut enfin le faire tous les jours sans problème, et en plus ça énerve tout le monde. On voit mal pourquoi il se priverait.

Cela dit, « En toutes choses il faut considérer la fin », et à passer son temps à dire que tout va bien, il va bien devoir un jour expliquer pourquoi en fait cela s’est mal fini, et que le train n’a pas bougé. N’importe qui serait tétanisé par cette perspective, pas lui. Il nous l’a prouvé à la fin de l’Euro 2008. Devant les caméras après la catastrophe, il a gardé la tête haute et a demandé sa main à Estelle Denis. Il faut oser. Dans un cadre plus posé, un peu plus tard, il est allé jusqu’à expliquer qu’en fait il avait un tout petit peu omis de le dire mais que pour lui cet Euro était une simple préparation pour le Mondial 2010 et non pas un véritable objectif. On a oublié cette incroyable pirouette, mais c’est une réalité. Et ça aussi il faut oser. Mais Domenech ose beaucoup. Et comme Michel Audiard le fait dire à Lino Ventura in Les tontons flingueurs : « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ».


Pour se remémorer la pirouette de Domenech après l'Euro 2008, on relira avec profit le billet suivant :
http://www.pantheonfc.fr/index.php/2008/06/19/327-necrologie-de-domenech