Ils ont ouvert le score sur une action qui a pu servir de modèle à Samir Nasri pour le quatrième but d'Arsenal contre Porto mardi soir. En gros, leur meilleur attaquant a résisté dans la surface à trois de nos défenseurs, avant d'adresser un tir que notre valeureux gardien n'a pu qu'effleurer, dans un angle pourtant assez fermé. Bien joué, pas grand chose à dire.

Le deuxième but semble plus venu d'ailleurs. Placé à 25 mètres de notre but, et sur le côté, un adversaire effectue une assez jolie chandelle, sans qu'on puisse clairement établir ses intentions. Envisage-t-il de marquer le but ? Cherche-t-il simplement à dégager le ballon ? Se prend-il pour un demi d'ouverture voulant nous mettre la pression dans nos 22 avec un joli coup de pied à suivre ? Toujours est-il que notre valeureux gardien parvient à dégager le ballon, mais pas tout à fait dans la bonne direction, ou pas tout à fait avec suffisamment de vigueur, puisqu'il finit dans notre but.

Le miracle ici n'est pas que notre gardien ait été insuffisamment valeureux, nous savons que ce n'est pas sur les ballons en hauteur qu'il accomplit ses exploits les plus impressionnants, le miracle c'est que cette chandelle, effectuée apparemment sans intention précise, se soit transformée en un tir aussi efficace. Bilan, 2 à 0 pour eux après une première période qu'ils auront plutôt dominée, mais sans vraiment nous surclasser.

Nous avons été plus déterminés en deuxième mi-temps, et nous avons d'ailleurs marqué un but, grâce à une très jolie tête de Selim sur un coup franc de Hicham (me semble-t-il), à une vingtaine de minutes de la fin du match. Ils se sont ensuite montrés fébriles, et nous leur avons mis la pression, mais sans pouvoir égaliser. D'où cette défaite au goût un peu amer même si elle n'est pas totalement injustifiée.

Mais ce récit ne serait pas complet sans l'évocation d'un deuxième miracle en leur faveur. Il se situe pendant notre période de domination. Un contre rapidement mené voit leur meilleur attaquant aux prises, dans notre surface, avec Laurent et notre valeureux gardien. Ce dernier effectue un tacle, plus pour sécuriser la situation que pour annihiler une véritable occasion, et comme souvent en pareil cas, son pied heurte celui de notre adversaire. Précisons le, c'est coup-de-pied contre coup-de-pied, c'est à dire que le choc intervient entre les mêmes surface planes des deux chaussures. Ce n'est pas crampons contre coup-de-pied.

Notre valeureux gardien ne se montre pas toujours excessivement virulent dans ses sorties, mais tous ont l'impression que c'est le cas cette fois-ci, car l'attaquant pousse un hurlement de bête avant de s'écrouler par terre en se tordant de douleur. La réaction normale devant un homme apparemment valide, voire costaud, semblant souffrir de la sorte, c'est tout simplement d'appeler les secours. L'euthanasie semble prématurée, mais une bonne dose de morphine s'impose d'urgence. Hicham l'a bien compris qui, mu par une légitime sollicitude pour notre camarade de jeu, propose à l'arbitre de le laisser sortir du terrain afin qu'il puisse, à défaut des premiers soins, recevoir le réconfort de ses coéquipiers remplaçants, dans l'attente d'une ambulance.

Sans doute déboussolé par la situation qui nous remue tous les tripes, l'arbitre (dont je précise au passage qu'il fut excellent du début à la fin, malgré ce petit incident) ne comprend sans doute pas bien l'intention strictement humanitaire de notre meneur de jeu. Mais il se consacre tout d'abord à estimer les dégâts apparents chez le moribond. Visiblement la plupart de ses membres ont conservé toute leur mobilité, comme le confirme l'agitation frénétique par laquelle ils expriment une douleur pourtant indicible, et les pieds sont restés tournés vers l'avant.

C'est là qu'intervient le deuxième miracle du match : petit à petit, et alors que l'arbitre, arrivant à s'extraire du cas médical qui se tortille à se pieds, vient de siffler coup franc en notre faveur, les hurlements perdent de leur intensité, l'agitation se fait moins saccadée, et l'improbable guérison survient. Après quelques dizaines de secondes, le cadavre annoncé se tient à peu près debout, puis il arrive à se mouvoir, il avance un pied puis l'autre, commence à marcher en boitant, parvient à trottiner, et une fois le coup franc joué se met à courir comme si l'effroyable accident n'avais jamais eu lieu.

A la vue de ce jeune sportif en pleine possession de ses moyens physiques, la recommandation exprimée par Hicham d'envisager un remplacement paraît rétroactivement absurde à notre arbitre. De fait, elle s'appliquait à un agonisant, et non pas à ce miraculé. C'est sans doute parce qu'il a oublié ce brusque et stupéfiant changement de contexte que notre arbitre (excellent je le répète, et je suis sincère), commet ici une erreur d'appréciation, en voyant dans la suggestion d'Hicham une intention maligne, là où il n'y avait que sollicitude devant la détresse d'un homme à terre. D'où un petit carton jaune pour notre meneur de jeu.

Notre dévoué camarade se trouvait ainsi bien mal récompensé de son comportement, mais il resta indifférent à cette injustice, tout à sa joie de voir revivre celui qui avait frôlé la mort de si près. Il y a vraiment des soirs, Porte de la Chapelle, où certains miracles font chaud au coeur.