Certains sélectionneurs ont fait des miracles. Ce n'est clairement pas le cas de Domenech. Mais lui a fait l'objet de miracles. Le premier étant sa nomination en tant que sélectionneur national, alors que, comme le rappelait Dugarry hier (18/06/08) : "Il n'a jamais, jamais, jamais rien gagné". Avec son palmares, avoir obtenu ce poste est un exploit.

Autre miracle, évoqué par ailleurs, la qualification pour la Coupe du Monde 2006. L'Equipe de France a marqué 8 points dans cette sorte de "poule à 4" que nous formions avec la Suisse, l'Irlande et Israël. Et avec ces 8 points nous avons fini seuls premiers. Alors qu'on sait que pour finir dans les deux premiers des poules similaires de la Champions League, il faut traditionnelement au moins 10 points. Miracle, donc.

Autre miracle, Estelle Denis. Je ne la connais pas personnellement, mais que cette jeune femme charmante, spirituelle, et sans tare physique apparente, ait pu simplement considérer Domenech, est pour moi du domaine du miraculeux.

Domenech donc, loin de l'image négative que véhiculent depuis peu nos médias, est clairement béni des Dieux. Mais il ne se contente pas de recevoir ainsi les miracles, il a aussi son domaine d'excellence, la communication. Non content de maîtriser cette technique, il la fait progresser grâce à des innovations, des inventions, toujours plus audacieuses.

Il est l'inventeure d'une technique de communication connue dans les milieux académiques sous le nom de "On le savait". Développée et mise en pratique au cours des qualifications pour la Coupe du Monde 2006, elle s'appuie sur une gestuelle très précise, dite du "double haussement". Concrètement, après un résultat nul de l'Equipe de France (au double sens du terme), un journaliste lui demande sa réaction. D'un même geste il hausse alors les épaules et les sourcils (il a de petites épaules mais de gros sourcils), ouvre des yeux ronds et avec une moue désabusée répond : "On le savait", suivi d'une phrase qui se réfère à la réalité du moment, à choisir parmi "Ca va être dur jusqu'au bout" ou "Les Suisses (ou les Irlandais ou les Iles Féroéiens) ont une bonne équipe" que l'on peut toujours faire suivre de "Mais on a vu des choses intéressantes".

La moue désabusée a pour objet de faire comprendre qu'il n'est pas surpris du résultat, mais plutôt de la question du journaliste, qui est beaucoup plus stupide qu'il ne s'y attendait et qu'en tant que sélectionneur national il est bien bon de prendre sur son temps de s'abaisser à y répondre.

Mais il a franchi un nouveau pas après la récente déroute à l'Euro 2008, en inventant non pas une technique mais un concept, tellement révolutionnaire qu'il est même difficile de lui donner un nom. Le décrire même n'est pas simple.

Sa mise en oeuvre s'est effectuée en deux temps. Premier temps, dans la soirée après la défaite contre l'Italie. Interrogé par une journaliste, il commence sa réponse en avouant qu'il a commis une erreur. Les plus naïfs s'attendent à ce qu'il parle de stratégie ou de coaching. Il n'est est évidemment rien, il avoue une "erreur de communication" : il aurait dû insister sur le fait que cet Euro n'était qu'une répétition, qu'une préparation, en vue de l'objectif réel qui est le Mondial 2010. Il dit "insister" comme s'il avait déjà tenu ce discours.

A première vue, cela rappelle le comportement de l'enfant qui a perdu : "Ca compte pas, c'était pour du beurre, je jouais pas." C'est en fait plus subtil que cela, car dans un deuxième temps (conférence de presse le lendemain), il va reprendre un journaliste qui lui parle d'échec pour lui dire que ce n'est qu'une déception. Et il ajoute que ce résultat est en fait dans la continuité de sa communication d'avant la compétition. Il précise tout de même "de ma communication ratée", pour que l'on sache bien à quoi il fait référence.

Cela revient à dire dans un premier temps : j'ai oublié de vous le dire avant, mais à l'Euro on ne joue pas pour de vrai (et au passage j'avoue mon omission). Et dans un deuxième temps : c'est assez normal qu'on ait perdu, et je le savais puisque, comme je vous l'avais dit, on ne jouait pas pour de vrai. Disons comme j'avais omis de vous le dire.

Donc : "Je l'avais bien dit. Ou plutôt, si je n'avais pas omis de le dire, je l'aurais eu bien dit." Désolé de cette phrase, mais l'invention de Domenech est un défi aux conjugaisons.