Les chants : les vrais supporters soutiennent leurs équipes, reprennent en coeur des chants, comme le feront les hollandais ce soir, comme l’ont fait les anglais à la mi temps de la finale de la champion’s league en 2006, alors que Liverpool était pourtant menée 3-0 par Milan. Les français ne chantent pas, ils crient deux timides « allez les bleus », puis se taisent et sombrent dans une léthargie entrecoupée seulement de critiques de l’arbitre à qui ils recommandent d’aller faire ses besoins de façon urgente.

Les sifflets : les vrais supporters ne sifflent jamais leur équipe, ils l’applaudissent même dans la défaite. C’est ce qui se passe en Angleterre. Ils ne sifflent pas non plus l’équipe adverse. Seul cas de sifflet : lorsque le public estime qu’un joueur adverse a triché (simulation surtout). Les français sifflent l’adversaire, et sifflent leur équipe dès qu’elle perd, ou même dès qu’elle ne gagne pas assez vite à leur goût. On a quand même réussi il y a deux semaines à siffler la sortie d’Henry au stade de France ! Et les « supporters » français ont sifflé la France après le nul contre la Roumanie lundi. Les marocains de France ont même créé une sorte de benchmark des supporters catastrophiques et anti-sportifs en sifflant systématiquement dès que la France avait la balle lors de France-Maroc en 2007. Et ils l’ont fait bien entendu au stade de France. Ils ont ainsi montré que cette manie de siffler était méditerranéenne et non pas seulement française. Piètre consolation.

Le nombre : en 2004, le match d’ouverture de l’Euro au Portugal est France-Angleterre. Pour une même population environ, 22 millions d’anglais sont devant leur télé, pour seulement 12 millions de français. Par ailleurs, le stade était évidemment entièrement anglais, les angalis ayant acheté les places très cher au marché noir, ce qu’aucun français n’avait fait. Les mêmes proportions se seraient retrouvées avec les autres grands pays de foot européens, Italie, Espagne, Allemagne, Hollande. Et non seulement il y a peu de gens qui aiment le football en France, mais en plus les amateurs sont moins passionnés que les anglais ou les hollandais et sont moins prêts à sacrifier temps et argent pour aller suivre leur équipe. Un ami qui travaille dans une grande entreprise française multi-nationale me racontait qu’il avait énormément de mal à trouver de vrais passionnés français pour discuter sérieusement de football à la machine à café. Même ceux qui prétendent suivre le foot ont une connaissance très limitée du football, confondent Patrick et Hervé Révelli, et n’ont pas le ventre noué à l’évocation de la date du 12 mai 1976. Mon ami me disait qu’il en était réduit à discuter avec les français d’origine portugaise, avec les italiens, les anglais, et même parfois en désespoir de cause avec les allemands de sa boite, malgré leur accent anglais délicat et le fait que Schumacher est peut-être un cousin à eux : tous ont une connaissance du football au moins équivalente aux quelques rares amateurs français.

Bref, pour le dire simplement : les français ne méritent pas leur équipe de football. Ils ne méritent pas Platini, Tigana, Zidane et Laurent Blanc, Cantona, Henry, Trésor et Kopa, Thuram, Rocheteau et Zimako.

La France joue toujours à l’extérieur, au stade de France ou à l’étranger. Elle a perdu deux fois 1-0 contre l’Ecosse en qualificatifs Euro 2008. Mais deux fois à l’extérieur.

Ce soir, contre la Hollande, elle jouera à l’extérieur, avec un stade orange, des chants hollandais guerriers, et quelques supporters français, isolés, tristes, apeurés, angoissés par leur propre solitude, qui auront dessiné des petits drapeaux tricolores inutiles sur leurs joues, difficiles à enlever après le match même avec un démaquillant puissant, et crieront avec une voix douce et aigue, mélange de la voix de Yannick Noah et de Desailly, « allez les bleus, allez les bleus, allez ».