Victor Hugo au Panthéon
Par MAL, mardi 15 juillet 2008 à 18:11 :: General :: #334 :: rss
Un site comme le nôtre ne peut pas laisser passer sans réagir le 10ème anniversaire du 12 juillet 1998.
Les médias (télévisions, radios, journaux) nous ont abreuvés d'images d'époque, d'analyses et de rétrospectives. Nous nous devons d'aller au-delà de ces contingences, de sortir du domaine de l'événement pour atteindre la légende. Cette finale France-Brésil ne doit pas figurer dans un collector de l'Equipe. Il s'agit d'un nouveau chapitre de La Légende des Siècles.
Nous sommes donc fiers de proposer à nos lecteurs, en exclusivité, ce poème de Victor Hugo écrit par Michel-André Lévy, "Le Combat de la France et du Brésil". Composé en alexandrins, il s'agit plus d'une ode que d'un récit.
Au-delà des amateurs de football, il s'adresse à tous ceux que le beau interpelle.
LE COMBAT DE LA FRANCE ET DU BRESIL
Il y a trente jours, ils étaient trente deux.
Après de dures joutes, ils ne sont plus que deux.
Pour l’ultime combat les voilà réunis
Dans l’arène des Rois, bâtie à Saint-Denis.
A l’issue de ce match il n’en restera qu’un.
L’Espagne a disparu. Les guerriers africains
Ces fameux nigérians, ont imprimé leur marque.
Eux ne furent domptés que par le Danemark.
Disparus les anglais, du sport les inventeurs,
Ainsi que l’Italie, pourtant trois fois vainqueur.
La Hollande a perdu, et l’Argentine aussi.
L’Allemagne est tombée, face à la Croatie.
Pour vaincre au premier tour, il fallait de la rage,
Pour passer les huitièmes, audace et puis courage,
Les titanesques seules ont survécu aux quarts,
Et après les demies, on ne voit que les stars.
D’un côté les français, descendants courageux
De glorieux anciens, adeptes du beau jeu,
Les Fontaine, Kopa, Giresse et Platini,
Trois fois éliminés au niveau des demies.
En face le Brésil, qui quatre fois déjÃ
Ramena le trophée au pied des favelas.
On le sait, dans les rangs des sud-américains,
Des artistes du foot, on n’en compte pas qu’un.
Le plus fameux de tous a pour nom Ronaldo,
Mais il faut craindre aussi l’élégant Rivaldo.
Le premier porte haut les couleurs de l’Inter.
Face à lui, les gardiens se retrouvent à terre.
Pour certains c’est un Dieu, un magicien du dribble.
Mais pour d’autres, Satan n’est pas aussi terrible.
Son ami Rivaldo lui succède au Barça.
Le voyant, les gardiens s’écrient ‘Plus jamais ça !‘
Il a su conquérir le coeur des catalans,
Car en plus de courage il montre du talent.
Ils n’évoluent pas seuls dans la seleçao
A leurs côtés Cafu, et César Sampaïo,
Défenseurs intraitables, mordant jusqu’à l’os,
Tout comme Taffarel et Roberto Carlos.
Au milieu, Edmundo, et le beau Denilson;
Balle au pied, ces deux-là ils ne craignent personne.
A l’avant, Bebetto jouera sans Romario :
Le brillant avant-centre est resté à Rio.
L’équipe est emmenée par un des plus rugueux :
Le solide Dunga, capitaine fougueux.
Face à ces onze preux, figurent onze gaulois.
Six équipes déjà en ont subi la loi.
L’Arabie Saoudite et l’Afrique du Sud,
Ont eu le même sort, une défaite rude.
Les danois n’ont connu qu’un modeste revers.
Enfin le Paraguay, du vaillant Chilaver,
Battu d’un but en or, marqué par Laurent Blanc.
Contre les italiens, les bleus jouaient en blanc.
On vint aux penalties, et ils se qualifièrent.
Les croates ensuite, aussi brillants que fiers,
Encaissèrent deux buts, un Thuram au grand coeur
Répondant par deux fois au talent de Suker.
Grâce à ce beau parcours, la France est en finale.
C’est un événement unique en les annales.
Dans les buts, c’est Barthez, le gardien monégasque.
Il garde un crâne chauve, et semblable à un casque.
Devant lui, la défense que nul ne brisa :
C’est Thuram, Desailly, Frank Leboeuf et Liza.
Expulsé contre la Croatie, Laurent Blanc,
Solide libero, restera sur le banc.
Emmanuel Petit, le champion d’Angleterre,
Karembeu et Deschamps, que nous envie la Terre,
Trois récupérateurs qui savent relancer.
Du merveilleux Zidane, on en a dit assez :
On admire bien sûr sa virtuosité
Mais on n’est pas champion sans générosité.
Pour porter le danger jusque dans l’autre camp,
Djorkaeff et Guivarc’h sont les deux attaquants.
Diriger ces titans, organiser l’équipe
N’est pas de tout repos. Il faut avoir des tripes
Et savoir affronter les sévères critiques.
Aimé Jacquet l’a su, l’ovation du public
Vient le lui confirmer, et lui faire oublier
Les huées de ce stade, à la fin de janvier.
Le sifflet retentit, et la partie commence.
A l’assaut du ballon les vingte-deux s’élancent.
A voir tous ces géants, leur détermination,
Leur brio, leur puissance et leurs belles actions,
On pourrait hésiter : s’agit-il d’une danse,
D’un combat, ou d’un jeu entre Brésil et France ?
C’est partout le talent qui répond au talent,
Le courage au courage. En dribblant, en taclant.
Ce ne sont que beaux gestes et beaux mouvements,
Ce sont bien les meilleurs qu’on voit en ce moment.
Le jeu est commencé depuis vingt-cinq minutes,
Et malgré des beaux tirs il n’y a pas de but.
Aux assauts vigoureux répond la fermeté,
Aux attaques subtiles la vivacité.
Un corner pour les bleus. Petit va le tirer.
Extension, coup de tête, et la balle est rentrée.
C’est Zizou qui donne l’avantage à la France,
Et c’est un peuple entier qui se retrouve en transe.
De Marseille à Dunkerque on se met à rêver.
Avec un peu de chance, on peut y arriver :
Ajouter une ligne au tableau des victoires,
Et immortaliser le matche de ce soir.
Mais il faut se reprendre et rester concentrés,
Pour ne pas à son tour en laisser un rentrer.
Dans les arrêts de jeu, Youri tire un corner,
Zinédine surgit, de la même manière
Que pour le premier but, d’une tête rageuse
Il en marque un second, et la France est heureuse.
On n’en croit pas ses yeux. Mener face au Brésil,
Et par deux à zéro, mais que se passe-t-il ?
Les rêves pleins d’espoir tournent à l’euphorie,
Et l’on saute de joie de Toulouse à Paris.
La partie a repris, la mi-temps est sifflée.
Après tant d’émotions on va pouvoir souffler.
Le Brésil est plus vif en deuxième mi-temps,
Et le but est tout près, que l’on redoute tant.
Le spectre de Séville hante bien des mémoires,
La France était tombée, à deux pas de la gloire.
Cet odieux souvenir réveille bien des craintes.
Et voilà justement Ronaldo et ses feintes.
Il déborde, entre dans les six mètres et adresse
Un ballon dangereux, dont se saisit Barthez.
La défense des bleus n’est plus aussi sereine.
Desailly sur un tacle a la jambe qui traîne.
Il commet une faute, et c’est le carton rouge.
Il ne conteste pas, et quitte la pelouse.
Il reste dix français et onze brésiliens,
Qui se battent sur tout et qui ne cèdent rien.
En défense centrale il n’y a que du neuf :
Petit est descendu au côté de Leboeuf.
On peut craindre que manquent et Blanc et Desailly
Mais leurs deux remplaçants n’auront jamais failli.
La fin du match est proche, et toujours deux-zéro.
Les bleus vont l’emporter, mais être des héros
Ne les contente pas, ils se veulent des Dieux.
C’est très bien deux-zéro, mais trois-zéro c’est mieux.
Christophe Dugarry est entré tout à l’heure.
Il alerte Vieira qui donne en profondeur
Et Petit bien lancé, en un ultime effort
Ajoute un dernier but à ce merveilleux score.
Oubliant la fatigue, oubliant la prudence,
Il est allé marquer, partant de sa défense.
Le match était superbe, il devient fabuleux,
C’est le matche rêvé pour une France en bleu.
Et que lui ajouter qui ne paraisse terne ?
Rien, décide l’arbitre en y mettant un terme.
Un seul cri a jailli de Valence à Bayonne
La partie est finie, et la France est championne.
La liesse est totale, et les rues envahies
Par un peuple en folie, victorieux, ébahi.
La joie est partagée sans discrimination
La victoire est à tous, à toute la nation.
Modeste et triomphant, Jacquet brandit la Coupe,
Porté par ses joueurs, porté par tout un groupe.
Ils avaient du talent, de l’audace et du cœur,
Il en fit une équipe, il en fit des vainqueurs.
Michel-André Lévy
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Commentaires
1. Le mercredi 16 juillet 2008 à 09:35, par Francis Lalanne
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